Pendant quatre ans, trois cents techniciens ont passé en revue chaque détail pour que la MP4-12C soit meilleure. Selon la célèbre règle des 5%, les pièces, une première fois validées, ont été reprises de manière à être de nouveau allégées de 5%. C’est ainsi que l’on arrive à un vrai résultat, en ne lâchant rien. Pour s’imposer, face à une concurrence installée de longue date, la MP4-12C dispose d’armes innovantes dans son segment, telles qu’une coque carbone, une suspension réactive et un correcteur de trajectoire de courbe issu de la Formule 1. La 12C est plus rigide tut en étant plus légère, plus compacte mais plus habitable, plus puissante mais moins polluante. Ses points forts ne sont entachés d’aucun point faible. Parce que ses concepteurs n’ont rien laissé au hasard. Voyons cela plus en détail.
Architecture
La rivale la plus proche de la MP4-12C est la très appréciée Ferrari 458, elle aussi dotée d’un moteur central arrière. L’Italienne est la descendante d’une longue lignée, initiée au milieu des années 70. Son gabarit est proche de celui de la McLaren, mais cette dernière dispose d’un avantage de puissance de l’ordre de 5% et d’un couple plus généreux de 11%. L’Anglaise est aussi plus courte de 18mm alors que son empattement est plus long de 20mm, avec à la clé un habitacle plus généreux. Ses voies et sa carrosserie sont plus étroites de 25mm, caractéristique qui rend la vie un peu plus facile dans la circulation de tous les jours.
McLaren fait état d’une masse de 1338kg à sec, ce qui veut dire que la 458 est 50kg plus lourde. La 12C tire pleinement avantage de sa cellule en carbone qui n’accuse que 75kg tout en assurant une rigidité très élevée.
Châssis
La cellule centrale monocoque fait appel à un procédé de fabrication plus rapide et moins coûteux que celui qui a été employé sur les supercars. Le rythme annuel initial de production est de mille unités, mais il pourra être porté à quatre mille lorsque la gamme aura été complétée, jusqu’à quatre modèles, sur la même architecture châssis. La concurrence a opté pour des structures en acier ou en alu, plus lourdes et moins rigides.
D’après Claudio Santoni, le ‘’Monsieur carbone’’ de McLaren, le choix technique s’imposait au bout de trente et un ans d’expérience en la matière. Le moulage d’une pièce a ses avantages : ‘’Nous avons appris avec la SLR qu’en multipliant les pièces et en les assemblant, on perdait de la rigidité.’’ On a également tiré profit du procédé pour concevoir un habitacle plus fonctionnel : ‘’Sur un châssis alu, on est obligé d’avoir un élément de rigidité très encombrant, derrière les passages de roues avant, souligne de son côté Neil Patterson, chef concepteur. Cela vous oblige à reculer le pédalier dans l’habitacle.’’ Il convient également de remarquer que le système de ventilation sur mesure, plus compact, a permis de pousser un peu plus loin cet avantage et d’implanter de manière plus idéale la colonne de direction et les sièges, en parfaite harmonie avec le pédalier.
La coque est complétée par une structure auxiliaire déformable à l’avant ainsi que par un berceau moteur à l’arrière. Ces bâtis qui reçoivent les trains roulants sont réalisés à partir de profilés en alu.
Suspension
Les trains avant et arrière s’articulent autour de triangles superposés et combinés à ressort. Leur originalité réside dans la gestion interactive de l’amortissement qui contrôle le roulis et le tangage, tout en préservant le confort. Le système opère sur trois modes au choix : Normal, Sport et Piste.
Les amortisseurs communiquent par une liaison hydraulique longitudinale et latérale. Des capteurs mesurent plongée, cabrage, roulis et lacet, et commandent une correction immédiate. La pression est générée par le surplus produit par la pompe de direction lorsque les roues sont droites. Cette énergie est stockée dans les sphères, façon Citroën, et consommée en phase d’appui. Cela procure à la 12C une efficacité doublée d’un confort ‘’d’un autre monde’’, selon l’expression même des ingénieurs.
Moteur
D’après Richard Farquhar, responsable du groupe motopropulseur, l’idée de faire appel à un V8 compact suralimenté allait de pair avec le châssis carbone. Il a été question, au tout début, d’un V8 atmo signé AMG, mais la séparation entre Mercedes et McLaren a très vite éliminé cette option au profit d’un choix plus moderne et plus efficace. Le V8 3,8 litres double turbo est inédit. Il a été conçu chez McLaren et finalisé avec le concours de Ricardo pour son industrialisation.
‘’Dès que nous avons défini l’architecture de l’auto, nous avons su qu’aucun moteur dérivé de la série ne pourrait rentrer. Le V8 offrait un compromis idéal. Il est plus court qu’un V10 et garde un lien avec la compétition.’’ La cylindrée de 3,8 litres garantit un volume unitaire générateur de couple et un faible encombrement. Lorsqu’il est en place, ce moteur à l’air minuscule et son carter sec l’a beaucoup abaissé. C’est un 4 soupapes double arbre, à entraînement par chaîne. Il ne pèse pas plus de 150kg et son système de fixation ingénieux a permis de le rapprocher de la cloison pare-feu. On a ainsi gagné 3cm sur l’empattement.
Les accessoires sont entraînés par des arbres placés le long du bloc et l’espace disponible au centre du V a été pris par l’échangeur huile/eau, un filtre à huile et un réservoir sous vide. L’injection directe a été jugée inutile pour atteindre les 600ch avec un couple qui se maintient à 61mkg entre 3000 et 6000 tr/mn. Elle fera partie de développements futurs.
La tubulure d’échappement est remarquablement compacte. Chaque collecteur en inox est relié à une paire de catalyseurs montés en tandem. Le tout débouche dans un gros silencieux muni de deux sorties. Une ligne allégée, réalisée dans un alliage nickel-chrome utilisé en F1, fait partie des options. Le son qui arrive aux oreilles des passagers est produit par un boîtier logé dans l’admission et régi par la gestion moteur-boîte. La 12C peut être aussi discrète qu’une berline et se faire stridente en mode sportif.
Transmission
La boîte 7 rapports à double embrayage marie une pignonnerie Graziano et un carter McLaren destiné à mieux épouser le bloc moteur abaissé. La commande à palettes au volant est montée sur pivot de manière à changer les rapports d’une seule main, comme sur les F1 de la marque. Dans le même registre F1, on trouve cette fonction spéciale de l’ESP qui freine la roue intérieure en appui pour corriger le sous-virage. Cet artifice a été célèbre en son temps (avant d’être interdit) sous le nom de cornering ou steering brake. D’après les ingénieurs, on a le même effet qu’avec un différentiel vectoriel mais avec 20kg en moins.
Côté gestion de boîte, on dispose d’une présélection en actionnant partiellement la palette. Et l’on peut descendre plusieurs rapports lors d’un gros freinage grâce à une pression prolongée de la palette. Les Ferraristes connaissent. Il va sans dire que les modes auto, faible adhérence et launch control sont présents.
Roues et freins
Pour préserver le confort des passagers, la McLaren reste dans la norme avec du 19 pouces à l’avant et du 20 pouces à l’arrière. Les Pirelli PZero utilisent une gomme tendre spécifique adaptée à la suspension ‘’Proactive’’ qui assure un meilleur travail. Le freinage de série est composé de disques en fonte avec bol alu (8kg de mieux que le tout acier). Les disques carbone/céramique sont en option. Ils permettent de gagner encore 3kg.
Aérodynamique
Simon Lacey est amplement satisfait du travail des designers qui ont respecté ses besoins. Jusqu’à l’élégante taille cintrée de la caisse qui ne perturbe pas le fonctionnement des entrées d’air latérales. Celles-ci, avec le museau et ses entrées périphériques, ont fait partie de ses soucis majeurs, au même titre que l’appui et le Cx. A ce sujet, McLaren ne souhaite pas communiquer de valeurs.
Le débourrage des passages de roues a été aussi particulièrement soigné. La 12C dispose d’un fond plat et d’un vrai diffuseur. Elle génère un appui de 100kg à 240km/h, répartis de la même façon que les masses de l’auto, soit à 57% sur l’arrière.
Le souci de détail a été payant, à l’exemple du profilage des supports de rétroviseurs et du bras d’essuie-glace qui a permis de réduire le bruit.
Le vrai truc de la 12C est son aérofrein, cette aile d’avion inversée, à l’arrière, qui se relève jusqu’à un angle de 57° et dont la forme est prévue pour ne pas trop engendrer de contrainte mécanique. Ce dispositif présente l’avantage de stabiliser l’auto à la décélération.
66 mulets et 300 gars
Il aura fallu quatre ans pour développer la 12C, un an de plus que la moyenne, parce que l’on ne partait d’aucune base existante. Et un investissement de 875 millions d’euros.
Pas moins de 66 mulets ont été construits, entre 2008 et 2011, avant d’arriver à la version finale. Sans compter les préséries et les modèles destinés au marketing. Toutes ces autos, réalisées à l’unité, ont coûté bien plus cher que le modèle livré au client.
Les premiers tests de suspension ont été réalisés avec une Ultima qui présentait l’avantage d’être discrète et d’un format compatible. Se sont ajoutés les MV, ou Mule Vehicles, un peu ‘’brut de fonderie’’, qui ont permis de mettre au point certains organes. Les Concept Prototypes, plus représentatifs, ont été les premiers à disposer d’un châssis plus proche de la réalité. Ils ont coûté plus d’un million d’euros pièce. Ont suivi les Experimental Prototypes, ou XP, habillés d’une vraie carrosserie et réalisés à partir d’un outillage pré-industriel. C’est avec ces autos que les essais intensifs ont été menés, comme une endurance de 10000km ‘’à fond, à fond’’ à Nardo et des séances répétées sur le Nürburgring. Sans oublier en parallèle des sessions de torture au banc des organes principaux, sur modélisation de tests réels. C’est également avec les XP que l’on a procédé aux crash-tests.
La génération suivante de mulets a été baptisée VP ou Validation Prototype. C’est l’avant dernier stade avant les Production Prototypes, assemblés sur chaîne.
Chez Ford, il aurait fallu trois mille personnes pour mener à bien pareil projet. Chez McLaren, ils ont été trois cents. Chapeau.
Publié dans le numéro de Mars/Avril 2011.