Par Frédéric Lardenois
Si la prise des clefs d’une MP4-12C, pendant quelques jours, avait tout pour exciter mes synapses, je vous confesse que je n’ai toujours pas, je le regrette, jubilé comme le jour des résultats du baccalauréat. Ma réaction, après 72 heures passées outre-Manche dans la périphérie de Londres, a été toute autre. Je suis aujourd’hui, plus que jamais, admiratif. Presque jaloux. Et rassuré… Dans un monde qui fait la part belle à l’apparat et la médiocrité, l’un prenant le pas sur l’autre à mesure que l’homme s’évertue à noyer son incompétence sous d’épaisses couches de fard, je ne pensais pas, après une quinzaine d’années à plein temps dans le milieu, me prendre une telle claque. Une réelle bouffée d’espoir, découvrant chez McLaren que la quête de perfection n’était pas un vain mot. Et que des irréductibles unissant leurs forces pouvaient légitimement y prétendre. Entendons-nous bien, la MP4-12C Vulcano Red avec laquelle j’aurai eu tout le loisir de goûter au quotidien des amateurs fortunés n’est pas parfaite. Pour ce qui est du goût de chacun : la ligne très sage peut déplaire et la rigoureuse conception de l’ensemble, conséquence directe de l’expertise technologique des géniteurs, irriter les tifosis qui voient dans l’habitée 458 Italia – sic – la concurrente à abattre (même si lesdits défenseurs, 99 fois sur 100, n’ont jamais posé leurs fesses dans une Ferrari). A Woking, berceau de la marque britannique qui cumule, excusez du peu, 700 participations en Grand Prix, 7 titres de Champion du Monde, une victoire toutes les cinq courses et des succès en Can-Am, Indy et Endurance, j’ai mis les pieds sur une autre planète. Un monde où la réflexion précède l’action, où l’intégration des détails figure en tête de liste des préoccupations quotidiennes. /…/
Meilleur des deux mondes
Je croyais, bonjour les préjugéss, que nos voisins allemands avaient l’apanage de l’organisation. Ces Britanniques là (qui, ne l’oublions pas, collaborent toujours étroitement avec Mercedes, qui leur fournir d’ailleurs les voitures de société !) associent passion et rigueur. Un signe ne trompe pas : les sourires. De l’hôtesse d’accueil, cintrée dans son tweed fleuri, au mécano chaussé de ses sneakers McLaren, tout le monde est affable. Et content, à croire la mine radieuse de nos camarades, à l’idée que vous puissiez partager leur journée. Cet incroyable travail de préparation est flagrant à l’heure de partir en balade, par monts et par vaux, dans l’exemplaire rouge métallisé qui nous est dévolu. Vous vouliez des sites typiques ? Les voilà sélectionnés dans la carte placée dans la voiture. Vous voulez profiter du circuit de Dunsfold pour prendre pleinement conscience du potentiel de la MP4 ? Sur place, ils sont au courant, pas besoin de vous arrêter à la barrière. Ne vous inquiétez pas du retour à l’aéroport dans trois jours, un chauffeur est commandé, mais prévoyez de revenir vingt minutes plus tôt, les veilles de week-end le trafic est chargé. Aaarghhh ! Ca existe des pros pareil ?! /…/ Direction le circuit de Top Gear pour libérer la bête ? Une bonne demi-heure de route bosselée, étroite et cassante, empruntée, vive Sa Majesté, dans le mauvais sens, rien de tel pour découvrir une monture. Et constater, toujours pantois, que les idées préconçues sont faites pour être démolies. Un coupé ultra-sportif de 600 ch, dans mon monde à moi, ça n’est pas confortable. Pas autant, vous me le concèderez, qu’une routière familière diesel. La MP4-12C, si j’avais bien en tête le souvenir fugace de la traversée, à minuit, de la place de la Concorde en janvier. Et cette sensation irréelle d’un tapis volant gobant les pavés comme Baloche, au bureau, les ours en gélatine. Je confirme : la McLaren met à profit son absence de barres anti-roulis et se montre aussi tolérante dans les ornières qu’un pneumatique d’autocar. Dans le cockpit bardé d’options (plus de 20 000€ de suppléments), l’ambiance est zen.
Bonne à tout faire
En mode Normal, la suspension PCC est impériale. Roulis et plongée sont présents, mais pas contraignants. La direction est ultra précise, mais digeste, et la boîte réglée sur tout auto aussi douce qu’une S tronic, référence en la matière. Même l’ambiance sonore, sur cette position routière, se fait oublier. L’échappement en Inconel monté sur l’auto ne s’excite qu’en mode Track. Sur lequel nous arrivons accompagnés par une bruine d’usage. A Dunsfold, le grand maître, c’est Chris Goodwin. Un doux dingue respecté autant pour la mise au point de la MP4-12C que son record de vitesse à Goodwood en caisse à savons (tapez MP4-T5 sur internet) ! Et les conseils du garçon, déplacé spécialement pour nous expliquer la technologie employée, sont aussi précieux que son humilité. Je n’oublierai pas la première phrase du bonhomme : ‘je l’ai développée pour tous les conducteurs. Pas pour moi.’ Sous-entendu, elle doit convenir à chaque propriétaire lequel, idéalement, doit pouvoir en tirer le meilleur. Un sacré défi, mais relevé : j’aurai au moins, sans parler des limites de la voiture, réussi à atteindre les miennes… Car la Mclaren a beau être une propulsion gavée de chevaux, elle est collée au sol. Fait étonnant, sur le tracé fatigué de Dunsfold, elle continue à digérer les aspérités, mais génère du grip à mesure que vous haussez le ton. Ce que fait, sans la moindre précaution, l’échappement sport. Dans la voiture, impossible de communiquer. Le V8 gronde, hurle, vous téléporte entre 3 et 7000 tr, plage de couple constant. La boîte, dont je confesse ne pas encore avoir compris toutes les subtilités, se commande via les palettes alu au volant, la gauche étant liée physiquement à celle de droite. Vous poussez ou tirez, et ça fonctionne. Et les rapports s’égrènent vitesse grand V, le tachymètre dépassant en un clin d’œil les 220 km/h. Le freinage, à ce jeu, m’a laissé sur le derrière. Les versions acier, au toucher de pédale légèrement plus spongieux, offrent la même assurance que les céramiques essayés par ailleurs. Et l’aérofrein, qui se cabre jusqu’à 69°, vous tasse l’arrière train à l’entrée des épingles. Le feeling ? Intriguant. Inédit, devrais-je préciser, car la conduite sportive ne déclenche aucune appréhension. La gestion électronique, cheval de bataille de McLaren, réfléchit bien plus vite que vous. Rendant les réactions moins prévisibles que celles d’une suspension ferme et classique, comme dans une… 458 Italia, par exemple. Voilà pourquoi d’aucuns lui octroient un supplément d’âme, optant pour la gigue aux valses bien orchestrées. Pour ma part, après 30 tours de circuit et 300 km de ruban anglais, j’affiche ma préférence. La MP4 est un outil. Prolongement de la main de son créateur, génie sorti de sa lampe dont la flamme, 41 ans après la création de sa première coque carbone, n’a jamais autant brillé…
Dunsfold, England
S’est sur cette ancienne base militaire empruntant une partie de piste d’atterrissage que McLaren a effectué le gros de la mise au point de la MP4-12C. Tenter d’en tirer la quintessence sur un bitume incertain et gras-mouillé aura eu un mérite : prouver que la voiture génère de plus en plus de grip à mesure que vous accélérez. Son équilibre est étonnant et son freinage, avec ou sans les disques céramique optionnels, bien aidé par l’aérofrein mobile. L’absence de barres antiroulis, saluée sur route ouverte et en usage quotidien, intrigue en mode Track : le transfert des masses s’accompagne d’un flux hydraulique qui stabilisé l’assiette. Moins instinctif que des combinés traditionnels, mais diablement efficace quand le mode d’emploi est intégré.
Note : 9,4/10